Le dialogue entre Olivier Cena, journaliste, et Gérard Traquandi, peintre, s'ouvre à Venise, au coeur des merveilles de l'architecture italienne et à quelques pas du fourmillement de la Biennale d'art contemporain. Un semblable contexte, riche en significations esthétiques, sociales et politiques, est le point de départ d'une discussion libre qui aborde tour à tour les questions de la mondialisation et de la démocratisation de l'art contemporain, aussi bien que celle, déterminé par la problématique écologique, du rapport de la peinture à la nature, aux êtres et aux choses qui peuplent la terre.
Les réflexions de Gérard Traquandi portent notamment sur la puissance de l'art et de la peinture à tisser ou non du lien, alors que sa dimension religieuse et sociale est mise en doute : « l'art moderne avait pour but de réunir comme le faisait l'art religieux, c'était son utopie et ça n'a pas marché. » De fait, il distingue un art porté par une volonté d'autodépassement et par la foi en un monde nouveau, à l'image de la peinture abstraite russe et de ses élans utopiques ; et un art porté seulement par une croyance dans l'évidence mystérieuse de la peinture, à l'image de la peinture « non figurative » que pratique Gérard Traquandi lui-même. Ainsi s'en remet-il à l'évidence du désir et du geste de peindre : « Je crois que faire de la peinture aujourd'hui est absurde. Pourtant, bien que je le sache, je peins. »