Livre neuf. Bacchanales modernes ! Le nu, l'ivresse et la danse dans l'art français du XIXe siècle, sous la direction de Sandra Buratti-Hasan et Sara Vitacca. Catalogue de l'exposition présentée au musée des beaux-arts de Bordeaux, du 12 février au 23 mai 2016 puis au musée des beaux-arts d'Ajaccio, du 1er juillet au 3 octobre 2016.
Abordant toutes les techniques et toutes les disciplines des arts visuels (peinture, sculpture, arts graphiques) mais aussi la danse, le théâtre, l'opéra, le cinéma, l'exposition porte un nouveau regard sur les arts du XIXe siècle et du début du XXe siècle à travers la figure fascinante et polymorphe de la bacchante et s'interroge sur la représentation de la femme dans les arts du XIXe siècle : de Pradier à Rodin, de Berlioz aux Ballets russes, plus de 130 oeuvres issues pour l'essentiel de collections publiques françaises (musée du Louvre, musée Rodin, Petit Palais, Bibliothèque nationale de France, musées des Beaux-Arts de Lille, Rouen, Strasbourg, Nantes, Toulouse...)
290 illustrations couleur
C'est par la sculpture que le potentiel érotique des rapports humains va tout d'abord se révéler dans les arts plastiques. Les audaces charnelles des sculpteurs ouvriront la voie à une exacerbation des sens plus démonstrative que celle des peintres.
James Pradier, le premier, va par son groupe « Satyre et bacchante » déclencher un scandale au Salon de 1834 par un érotisme exacerbé et une nudité totalement abandonnée.
Il est bientôt suivi par Jean-Baptiste Clésinger qui expose au Salon de 1847 un marbre, « Femme piquée au serpent » au symbolisme non dissimulé, sujet d'une nouvelle polémique car elle représente une personnalité nue, connue du Tout-Paris, égérie des artistes en vogue.
Désormais cette sensualité issue des mythologies autour de Bacchus et ses bacchantes va faire régulièrement partie du langage formel.
Quelques temps plus tard, c'est Charles-Auguste Arnaud avec une « Tête de bacchante » ou Albert-Ernest Carrier-Belleuse qui reprennent la nouvelle thématique.
En 1867, c'est Jean-Baptiste Carpeaux qui avec « La danse », groupe fleuron de l'Opéra, va subir l'assaut des critiques par cette composition où certains voient « six femmes épileptiques atteintes de delirium tremens ».
Le mouvement symboliste qui apparaît vers 1880-90 ne fera que confirmer cette tendance artistique. Les envolées lyriques des affiches lithographiques d'Alphonse Mucha, grâce à ses femmes fleurs exposées dans tout Paris, vont définitivement inscrire ce courant aux alentours de 1900.
Au tournant du XXème siècle, le grand maître, Auguste Rodin, va par son groupe « Orphée et les ménades » sacraliser un sujet qu'il ne cessait d'aborder à travers son dialogue sculptural avec Camille Claudel.
A sa suite, le mouvement continuera d'abord avec Charles Despiau qui décline en 1909 une « Bacchante » à la volupté plus moderne, mais encore influencée par la maître.
Un des derniers à poursuivre ce courant esthétique sera vers 1912 Joseph Bernard avec une « Grande bacchante » déjà stylisée préfigurant largement les courants modernistes à venir.
Thierry Roche